- deux expertises (usagers et professionnels) convoquées et croisées
- une journée pou dépasser les représentations, les non dits, les censures, et se mettre d’accord sur le diagnostic avant de se jeter sur le plan d’actions.
Je me souviens d’un forum local quelque part en Provence, après un déjeuner convivial… Le moment où les usagers et les professionnels d’un établissement social échangent leurs présentations préparées le matin et en débattent, dans la torpeur de l’après midi…
En fait, le souvenir que j’en ai est très fort. Des remerciements ont été prononcés, mais aussi des paroles vives, et parfois des surprises, comme lorsqu’un travailleur social considère que le dépassement de la date limite des conserves « n’est pas très grave », au grand dam des usagers qui se sentent alors méprisés. ou encore ces travailleurs sociaux effarés d’apprendre que des femmes africaines « accouchent dans la rue »
C’est cela un forum local : un moment unique, nouveau, où l’on est conduit à se parler autrement, quand bien même on se fréquente depuis longtemps et l’on croit se connaitre. Quand on lève le voile et qu’on aborde les vrais problèmes, mais sans agressivité. Le débat est serein car il est conduit par des professionnels ; cela n’empêche pas, au contraire, que les vrais points de convergence et de divergence sur le diagnostic soient exposés et, surtout, débattus.
Pour en savoir plus…
un document synthétique
Un bilan avec beaucoup d’exemples concrets et la parole aux utilisateurs…
Témoignages clients.
- « Si les points abordés et les difficultés soulignées n’ont pas créé de réelle surprise, leurs formulations directes dans un esprit critique, constructif et sans concession a permis de dégager un diagnostic partagé sur les domaines ou il est désormais nécessaire d’agir. Pour l’ARS, le forum a permis d’affiner notre perception des problèmes et de mieux évaluer les enjeux en matière d’amélioration du respect des droits des usagers à l’hôpital notamment dans le domaine de la communication soignant/soigné. Il a conforté notre volonté d’agir pour faire évoluer les pratiques en partant des besoins identifiés par les usagers et des contraintes exposées par les professionnels. Enfin, il nous pousse à mettre en œuvre des actions partagées par les usagers et par les établissements de santé » (Laurence Dominge, ARS du Limousin)
- « Dès le début de notre démarche, nous avons été à la recherche d’outils susceptibles de répondre à notre exigence. Le temps de l’évaluation interne est apparu comme étant le moment opportun de sortir de l’auto-évaluation pour aller recueillir l’appréciation des familles sur la qualité perçue des prestations. Nous avons en 2009 choisi le forum local, outil qui semblait pouvoir répondre à nos attentes. Et en effet, avec le recul d’une année nous nous sommes aperçus qu’il avait atteint l’objectif et plus. En juin 2009, une journée d’échanges entre les familles et les professionnels, encadrés par deux animateurs, a permis de réaliser un diagnostic partagé et d’évoquer les premières pistes d’amélioration possibles. Proposer aux familles et aux professionnels de se rencontrer toute une journée pour parler de la prise en charge est un pari en soi. Il mérite d’être relevé. En effet, dépasser la crainte des professionnels d’être « jugés » et celle des familles d’être ignorées dans leur ressenti, est pour nous essentiel. Au-delà d’une évaluation interne enrichie, c’est s’offrir la possibilité d’envisager une collaboration renouvelée avec nos principaux partenaires dans la prise en charge des résidents. » (Stéphanie Bourrel, MAS de Bassens)
- « Pour un professionnel de l’action sanitaire et sociale, la parole des usagers a de la valeur en elle-même et par principe : comment respecter la dignité de l’autre sans laisser toute liberté à l’expression de « sa » vérité ? Mais elle est aussi une condition substantielle de la qualité de l’action. Les usagers disposent en effet d’une indéniable expertise dont il est absurde de se priver. Mais il ne suffit pas de vouloir créer les conditions de l’émergence de cette parole collective. Dans ce domaine, la bonne volonté et l’engagement ne suffisent pas à éviter l’improvisation, tant les professionnels que nous sommes ont peu d’habitudes, de références culturelles et de savoir-faire dans ce secteur. Il faut apprendre à inventer la posture juste entre banalisation de cette parole et empathie complète qui peut aussi mener à la démagogie. La méthode du forum local expérimentée en Dordogne a laissé un souvenir très fort aux participants. Nous y avons acquis la conviction que les usagers ne se font pas prier lorsque l‘on crée les conditions de leur prise de parole et qu’ils sont prêts à revendiquer ces lieux d’expression collective. En dehors du colloque singulier qui les réunit quotidiennement avec un professionnel, ils ont aussi besoin – comme nous tous – de lieux d’interpellation collective des pouvoirs publics. Je me souviendrai longtemps de cette jeune toxicomane qui s’est levée devant l’ensemble des participants pour déclamer haut et fort un texte qu’elle avait minutieusement préparé. Pendant ces quelques minutes son regard portait la conviction que les pouvoirs publics pouvaient l’entendre, que son interpellation n’était pas vaine et qu’elle pouvait influencer le cours des politiques. Plus personne à cet instant n’avait envie de la décevoir. Ce forum nous a permis de constater que le diagnostic entre professionnels et usagers est relativement facile à partager à la fois sur les causes de l’exclusion, les lacunes des politiques menées et les pistes de progrès. Encore faut-il ne pas en rester là. La présence d’un intervenant extérieur s’est avérée cruciale en termes d’organisation, de méthode, de conditions de réussite et de « triangulation » des débats. La présence d’un tiers a permis de sortir d’une face à face entre professionnels et usagers et de libérer la parole de chacun. Enfin, le directeur de DDASS que j’étais à l’époque a pu mesurer à la fois « l’évidence » de ce type de dispositif (dont aucun participant n’a remis en cause l’utilité) mais aussi le chemin qui nous restait à parcourir pour intégrer au quotidien cette parole collective des usagers. Dès le forum local achevé, l’essentiel était devant nous : comment ne pas perdre cette parole précieuse ? Comment l’intégrer dans nos politiques et comment rendre compte auprès des usagers de la mise en œuvre de nos engagements ? Il en va du respect de l’autre et de la qualité de nos pratiques professionnelles. » (Michel Laforcade, alors directeur de la DDASS de la Dordogne; aujourd’hui Directeur général de l’ARS Aquitaine)